Si un proverbe attribué à Confucius prétend qu’une image vaut mille mots, un nouvel objet Web permet d’aller vérifier l’assertion inverse.
Baptisé Autograf, il propose à tout internaute de résumer un film en 400 signes maximum, avant de transformer automatiquement ses phrases en dessins. L’écran blanc de la salle laisse alors place à un cadre noir qui se remplit de ces expressions, comme autant d’images mouvantes et espiègles, qui seraient tracées à la craie au tableau par un cancre cinéphile et blagueur, pressé de raconter sa dernière séance. Plus long qu’un tweet, plus succinct qu’un épanchement sur Facebook et définitivement à l’écart de l’écriture critique institutionnelle, Autograf constitue une variation ludique autour des multiples formes d’appropriation des films à l’ère des réseaux sociaux. Simple d’utilisation, le dispositif exige un effort de concision, lequel aboutit souvent à des raccourcis drôles et accrocheurs.
Efficace, ce concept participatif paraît tellement inscrit dans l’air du temps et les nouvelles technologies qu’il semble difficile d’imaginer qu’il a été mûri pendant plus de vingt ans par Joris Clerté, son créateur. En effet, les prémices d’Autograf ont été griffonnées au début des années 1990. Tout juste diplômé des beaux-arts de Poitiers, Joris Clerté a d’abord confectionné des habillages et des bandes-annonces animées pour les programmes de La Sept. « L’idée directrice était d’emblée : un mot, un dessin. Nous jouions déjà avec une forme de grammaire », se rappelle Joris Clerté. À la suite de plusieurs dizaines de ces formats courts, obligeant à une créativité et à une spontanéité toujours en éveil du fait d’un rythme hebdomadaire, l’idée s’est solidement ancrée dans l’esprit du dessinateur, et a survécu à la disparition de La Sept, bientôt réincarnée en Arte. Mise en sommeil, elle sort aujourd’hui de son hibernation, réanimée par les progrès technologiques en matière d’interactivité. Enfin concrétisé, le dispositif sera mis en ligne le 8 novembre, en attendant peut-être d’autres développements. « L’angle cinématographique n’est qu’une possibilité parmi d’autres. Mais Autograf, c’est d’abord la réalisation d’un fantasme : celui de taper un texte qui se transforme instantanément en film. »