Forte de son succès (plus de 2,5 millions de vues) et de son public grandissant, Les idées larges revient avec des épisodes inédits dans un nouveau décor pour une saison 2 ! Accompagnée de chercheurs reconnus et passionnés, Laura Raim continue d’explorer les grands sujets de société et les questionnements qui font débat aujourd’hui.
Être pauvre est-ce manquer d’argent ?
Invités : Daniel Zamora (sociologue à l’Université Libre de Bruxelles) et Daniel Hirschman (sociologue à Brown University)
En France, une personne est considérée comme pauvre si ses revenus sont inférieurs à 1 063 euros par mois. Mais est-ce vraiment une définition satisfaisante ? La question a toute son importance, puisque la manière dont on définit un problème va déterminer le genre de politiques que l’on mettra en face pour le résoudre.
Vaut-il mieux avoir des services publics ou du cash ? Des droits sociaux ou du pouvoir d’achat ? Être pauvre est-ce vraiment manquer d’argent ?
Qui a inventé la « nature » ?
Invités : Philippe Descola (anthropologue au Collège de France) et Charlotte Brives (anthropologue des sciences)
Depuis quelque temps, dans les articles et les livres que l’on peut lire sur l’écologie, on ne parle plus de la “nature” mais du “vivant”. On doit en partie ce changement de vocabulaire aux travaux du grand anthropologue Philippe Descola. Médaille d’or du CNRS et professeur au Collège de France, il est spécialiste des rapports entre les humains et les non-humains. Dans son livre Par-delà nature et culture, il a montré que “la nature” en tant que monde séparé des êtres humains, n’existe pas, du moins pas pour tout le monde. Pourquoi le mot “nature” pose-t-il problème ? Comment cette notion a-t-elle émergée ? Qui a inventé la “nature” ?
Travailler a-t-il un sens ?
Invités : Marie-Anne Dujarier (sociologue) et Thierry Schaffauser (porte-parole du STRASS)
On utilise le mot travail tous les jours. Le matin on repense à un rêve qui nous travaille. On travaille sur nos émotions chez le psy et bien sûr on va tous les jours au travail pour pouvoir payer son loyer. Mais parfois quand on est au travail et qu’on passe des heures dans de longues réunions inutiles, on a le sentiment qu’on n’a pas eu le temps de vraiment travailler.
Alors de quoi parle-t-on ? Tout le monde comprend le mot travail, mais on est bien embêtés dès lors qu’on nous demande de le définir. Non seulement le mot travail a plusieurs sens, mais de plus en plus de gens s’interrogent sur le sens qu’a leur travail, et notamment sur son utilité. Travailler a-t-il un sens, dans tous les sens du terme ?
Suis-je mon cerveau ?
Invités : Albert Mouhkeiber (psychologue et docteur en neurosciences cognitives) et Hervé Mazurel (historien des sensibilités)
Depuis une trentaine d’années, c’est la grande mode du cerveau. On pourrait tout expliquer par les mécanismes cérébraux. Non seulement comment on voit et comment on parle, mais aussi comment on pense et comment on se trompe, et même pourquoi les gens mangent gras, sont paresseux, échouent à l’école ou votent à gauche. La connaissance du cerveau pourrait entraîner des progrès non seulement en médecine, mais dans l’éducation, les politiques publiques, le management, et l’amélioration de soi. Que révèle cette neuromanie ? Les neurosciences peuvent-elles vraiment aider à comprendre nos comportements, et à résoudre nos problèmes de société ? Suis-je mon cerveau ?
Que perdons-nous à gagner du temps ?
Invité : Hartmut Rosa, philosophe et sociologue.
On m’a fait remarquer une fois que les deux choses que l’on dit le plus souvent aux enfants c’est “dépêche-toi” et “attends”. Deux injonctions temporelles. On passe notre temps à se heurter à des problèmes de désynchronisation. De fait, on connaît tous cette sensation de courir après le temps, de ne pas arriver à bien l’organiser ou le répartir.
Hartmut Rosa est un philosophe et sociologue allemand qui a écrit de nombreux livres sur les structures temporelles de la société. Alors que, spontanément, on vit ces heures et ces minutes qui nous filent entre les doigts comme des données neutres, il montre qu’il existe en fait un « régime temps » propre à la modernité qui se caractérise par l’accélération sociale. Et contrairement à ce qui pouvait être espéré, les innovations techniques permettant de tout faire plus vite n’ont pas vraiment permis de dégager plus de temps libre, au contraire.
Pourquoi est-ce que nos rythmes de vie ne cessent de s’accélérer ? Pourquoi la vitesse est-elle devenue source d’aliénation ? Que perdons-nous à gagner du temps ?
Comment la guerre intoxique-t-elle le monde ?
Invités : Fabien Locher, historien de l’environnement et Syeda Rizwana Hasan, avocate en droit de l’environnement.
La guerre en Ukraine détruit (aussi) la nature. Depuis le début du conflit, le ministre de l’Écologie ukrainien tient d’ailleurs un registre des dégâts écologiques provoqués par les affrontements, avec l’intention de traduire la Russie devant la Justice pour écocide.
Fabien Locher est un historien de l’environnement qui travaille sur le rapport entre la guerre et l’écologie. Ce qui l’intéresse, ce ne sont pas seulement les impacts directs des conflits armés. C’est aussi comment, même en temps de paix, les guerres passées et l’anticipation des guerres futures influent sur nos choix technologiques et énergétiques. Comment les conflits passés façonnent-ils notre environnement présent ? Quel rapport entre les mouvements pacifistes et écologistes ? Comment la guerre intoxique-t-elle le monde ?
Et si on arrêtait de prendre les gens pour des cons ?
Invité : Jacques Rancière, philosophe.
Quand les Britanniques ont voté pour le Brexit, ou quand les Américains ont voté pour Trump, on a beaucoup entendu qu’ils avaient mal voté, qu’ils s’étaient “fait avoir par les fake news”, et qu’ils étaient “ignorants”.
Jacques Rancière est philosophe, professeur émérite à l’Université de Paris VIII et il fait partie des penseurs de la démocratie qui m’ont le plus marquée intellectuellement. L’une de ses hypothèses les plus puissantes est “l’égalité des intelligences”, une idée qui contredit donc complètement la tendance actuelle à déplorer la crédulité ou l’irrationalité des gens.
Mais peut-on vraiment dire que tout le monde a la même capacité intellectuelle? Quelles sont les implications politiques d’une telle affirmation? Et si on arrêtait de prendre les gens pour des cons ?
Quelles sont les nouvelles règles du jeu sexuel ?
Invitée : Irène Théry, sociologue du droit, de la parenté et du genre.
Depuis le mouvement Me Too, une question que je me pose souvent c’est : qu’est ce qui a vraiment changé ? Cinq ans après la déflagration de 2017, au-delà de la prise de conscience, a-t-on assisté à une véritable révolution ? Les comportements des hommes et des femmes sont-ils réellement différents ? Ou bien les règles du jeu sont-elles fondamentalement restées les mêmes?
Irène Théry est sociologue du droit, de la parenté et du genre. Dans son dernier livre “Moi aussi la nouvelle civilité sexuelle”, elle nous aide à y voir plus clair en inscrivant le moment MeToo dans le temps long. Et c’est ça qui me plait dans son essai : elle aborde les questions des mœurs sexuelles, des normes sociales, du consentement et du couple pas seulement avec les outils du féminisme mais aussi avec ceux de la socio-anthropologie et de l’histoire. Et cette approche offre un éclairage extrêmement original sur le sens des bouleversements en cours. Comment ont bougé les frontières de la sexualité permise et de la sexualité interdite? Comment la notion de consentement a-t-elle évolué dans le temps? Quelles sont les nouvelles règles du jeu sexuel ?
Faut-il vider les musées ?
Invitée : Françoise Vergès, docteure en science politique.
La scène se déroule au Musée du Quai Branly. Le 12 juin 2020, cinq activistes dénonçant la “dépossession de l’Afrique de ses richesses”, arrachent de son socle un poteau funéraire Bari du XIXe siècle. “Nous avons décidé de venir récupérer ce qui nous appartient”, affirment-ils, avant d’être interpellés par la police. Depuis quelques années, les musées font de plus en plus l’objet de remises en cause, notamment de la part de mouvements antiracistes.
Françoise Vergès est docteure en science politique et présidente de l’association « Décoloniser les arts ». Dans son dernier livre, “Programme de désordre absolu”, elle rappelle la nature profondément coloniale des grands musées universels et réfléchit à ce que signifierait concrètement la décolonisation des musées. Quelle est la fonction politique de ces espaces? Pourquoi font-ils aujourd’hui l’objet de contestations ? Faut-il vider les musées ?
Le porno influence-t-il nos désirs ?
Invités : Cornelia Möser, chercheuse en études de genre au CNRS, Ovidie, réalisatrice et autrice, Florian Vörös, sociologue et maître de conférences à l’université de Lille.
En matière de sexualité, la plupart d’entre nous partageons un idéal de liberté et d’égalité. Or cet idéal est largement absent du porno, où la vaste majorité des vidéos mettent plutôt en scène des femmes soumises voire humiliées et des hommes dominants voire violents. C’est l’une des raisons pour lesquelles, à partir des années 80, la lutte contre la pornographie est devenue un combat prioritaire pour les féministes américaines. Le porno a-t-il vraiment une influence sur nos pratiques? Ou ces images ne font-elles que refléter les fantasmes ? Le porno influence-t-il nos désirs ?
Pourquoi a-t-on besoin de jeter ?
Invitées : Jeanne Guien, docteure en philosophie et Baptiste Monsaingeon, sociologue.
Les milliers de tonnes d’ordures jonchant les trottoirs depuis la grève des éboueurs ont mis en lumière la quantité spectaculaire de détritus que nous rejetons chaque jour. Ces monceaux d’immondices qui s’obstinent à grossir de jour en jour sous nos yeux nous obligent à regarder en face la contrepartie habituellement invisible de nos modes de consommation.
Jeanne Guien est docteure en philosophie et elle travaille sur les questions de l’obsolescence et du consumérisme. Dans ses travaux, elle raconte l’histoire et l’économie du jetable et elle invite à s’interroger sur la notion même de déchet. Que mettons-nous dans nos poubelles? Pourquoi produisons-nous autant de déchets? Pourquoi a-t-on besoin de jeter ?
Peut-on grandir sans se trahir ?
Invitées : Susan Neiman, philosophe et Cécile Van De Velde, sociologue.
Les jeunes années seraient les plus belles, les plus fortes. Quand on rencontre une vingtenaire on a envie de lui dire “profite”. Mais n’est-on pas, alors, en train d’impliquer qu’après, ça se dégrade, que la vie adulte est synonyme de sérieux, de désillusion et d’ennui ? Toute la difficulté est de savoir ce que grandir veut dire.
Susan Neiman est une philosophe américaine, spécialiste des Lumières, et autrice de Grandir, éloge de l’âge adulte à une époque qui nous infantilise. Elle dénonce entre autres l’injonction contradictoire à rester jeune et à être réaliste. Pourquoi idéalise-t-on la jeunesse ? Devenir adulte implique-t-il forcément de renoncer à ses idéaux ? Peut-on grandir sans se trahir ?
Vous pouvez encore regarder les épisodes de la première saison sur arte.tv ou Youtube.
Les Idées Larges est un programme et maintenant ?, le festival international des idées de demain.